Quand Règles élémentaires m’a proposé de contribuer à cette rubrique « Coup de sang » et nous a donné carte blanche pour parler du syndrome des ovaires polykystiques, j’ai d’abord sauté au plafond parce qu’il est temps que cette pathologie qui concerne 2,2 à 2,5 millions de françaises soit enfin reconnue comme le sujet de santé publique qu’elle est vraiment.
Et puis, je m’interrogeais sur l’angle avec lequel j’allais aborder le sujet avant de réaliser que peut-être, vous qui lisez ces lignes, vous n’aviez en fait jamais entendu parler du SOPK, ou de ce qui se cachait derrière cet acronyme un peu barbare, et je me suis demandée pourquoi. Ce n’est pas évident de prendre du recul sur sa propre pathologie, surtout quand elle est liée à un engagement associatif au quotidien. Pourtant, je me suis souvenue que moi-même, aujourd’hui vice-présidente de l’association Esp’OPK qui prend la parole sur le sujet publiquement, j’avais tenu mes maux à l’écart de ma vie, de mes conversations, et même de mes pensées pendant si longtemps après mon diagnostic. Et je me suis demandée pourquoi alors que la parole sur l’endométriose, le cycle menstruel (merci Règles élémentaires !), la sexualité s’était ouverte, on peinait encore à normaliser le syndrome des ovaires polykystiques et les personnes qui en sont atteintes. Nous sommes pourtant une personne menstruée sur sept à voir notre qualité de vie détériorée par une pathologie dont personne ne veut entendre parler.
En premier lieu, c’est quoi, le S.O.P.K / syndrome des ovaires polykystiques / syndrome de Stein-Leventhal ? Même si le nom ne vous dit rien, il s’agit de la première cause d’infertilité féminine et de la maladie endocrinienne la plus répandue chez les personnes menstruées. Eh oui, contrairement à l’endométriose qui est une maladie gynécologique, le SOPK affecte le système hormonal entier ce qui va avoir des conséquences sur les ovaires, les cycles, les douleurs pelviennes mais pas que : fluctuations de poids, alopécie (perte des cheveux), hyperpilosité, acné adulte, fatigue chronique, résistance à l’insuline pouvant mener au diabète de type 2, anxiété… Plus qu’à notre fertilité – le seul symptôme qui semble inquiéter notre entourage – le SOPK s’attaque aux attributs de la féminité, au rapport au corps, à notre joie de vivre. Les conséquences sur nos vies personnelles, amoureuses, professionnelles sont parfois désastreuses. Comment parler de sa fatigue chronique sur son lieu de travail, de notre anxiété à nos proches, de notre hyperandrogénie et de nos séances d’épilation du visage quotidienne à notre nouvelle conquête amoureuse (encore faut-il oser aller en ~date) ? Comment gérer le regard des autres sur notre prise de poids, nos épaules velues, nos tempes dégarnies ? Comment expliquer que l’on prend parfois un traitement médical pour déclencher nos règles ou pour ne pas ressembler à Chewbacca ? (une astuce personnelle : comme ça, avec une pointe d’humour et beaucoup d’autodérision) Et surtout quoi répondre quand on nous réplique que c’est dans notre tête et que nos soins relèvent du confort… Pourquoi je ne voulais pas en parler déjà ?!
J’ai beaucoup d’admiration pour les personnalités qui été pionnières en osant parler de leur endométriose : je me souviens de Laetitia Milot (que je trouve magnifique) fouler le parquet de l’émission « Danse avec les stars » avec grâce pour évoquer sa maladie et son mal d’enfant, d’Enora Malagré révélant ses fausses couches et ses douleurs en direct à la télévision, et j’espérais que notre tour arrive, en étant bien consciente que les symptômes du SOPK suscitent plus facilement la moquerie que la compassion et qu’on devrait patienter encore un peu pour qu’une personnalité ait le cran d’en parler.
Il y a quelques semaines, nous avons été contactées par une candidate à l’élection de Miss Nouvelle-Calédonie atteinte d’un SOPK, Océane Le Goff, qui nous indiquait son souhait de prendre la parole sur le sujet. J’ai ressenti la même émotion que le jour où la présidente de notre association a parlé du SOPK pour la première fois à la télévision : « enfin, on y est ». Peu importe si cela ne me rend pas mes cheveux, ou les heures passées dans la salle de bain à retirer les poils sur mon visage : dans ce milieu glamour, élégant, au milieu des strass et des robes de soirées (on aime ou non ces concours, ce n’est le propos) notre pathologie et ses manifestations inconvenantes a elle aussi enfin sa place. Peut-être qu’un jour on prendra le syndrome des ovaires polykystiques avec le même sérieux que n’importe quelle pathologie chronique et évolutive. Si le mal est invisibilisé par le poids des injonctions, les complications, elles sont bien réelles et ça craint plus que d’aller à la plage avec mes poils sur le ventre : syndrome métabolique, diabète de type 2, risques cardio-vasculaires, 3x plus de risques de développer un cancer féminin et 7 fois plus de tentatives de suicide chez les personnes diagnostiquées d’un SOPK.
Avoir le SOPK, ce n’est pas être défectueuse, c’est être malade. C’est une épidémie qui touche 2,5 millions de françaises. Une personne menstruée sur sept, c’est beaucoup. Une sur sept c’est beaucoup trop. Vous connaissez forcément une personne qui est atteinte du SOPK. En ce mois de septembre, renversons le cours des choses.
Je vous donne rendez-vous dès aujourd’hui et tout ce mois de septembre sur les réseaux sociaux de l’association Esp’OPK* pour vous informer sur cette pathologie, sur notre campagne « Bleu Reine » pour faire la différence en soutenant nos actions, et lors de nos rencontres à Paris, Lille, Arras, Toulon et Strasbourg pour se rencontrer !
Emelyne, Vice-présidente de l’Association Esp’OPK
Notre site Internet : https://www.esp-opk.org/
Instagram : https://www.instagram.com/association_espopk/
Facebook : https://www.facebook.com/EspOPKofficielle
Chaque mois, nous donnons carte blanche à une personnalité libre d’exprimer son “Coup de Sang” autour des règles, de la précarité, des tabous ou d’autres sujets d’indignation. Les propos exprimés sont ceux de leur auteur·rice.