Le Coup de sang de Lucia Rugeri

le 18.02.2022

Quand doit-on parler de règles abondantes ?

Le savez-vous? 30% des femmes peuvent présenter des règles abondantes, encore appelées ménorragies, pendant les différentes périodes de leur vie. Les causes en sont multiples.

Ces règles abondantes peuvent impacter la santé physique ou mentale mais aussi la vie sociale, professionnelle de ces femmes. Pour améliorer la prise en charge de ces règles, la première étape est déjà de pouvoir les identifier, et par là même de pouvoir en parler à son entourage familial, son médecin. On peut donc imaginer au moins 2 axes pour améliorer cela.

D’une part, faciliter la communication autour des règles et lever le tabou qui entoure cet évènement physiologique, chez les jeunes femmes, mais finalement chez toutes les femmes surtout si ces règles sont abondantes.

Ainsi, il faut que les femmes puissent identifier si leurs règles sont abondantes et si elles doivent consulter un médecin. Il existe des critères médicaux connus pour quantifier les règles :

Un score de quantification des règles (score de Higham) existe, il est assez mal connus des médecins et n’est pas très adapté aux nouvelles méthodes de protection (cups, culotte menstruelles). Mais bien qu’imparfait, ce score permet de mesurer objectivement les règles et de suivre l’efficacité des traitements proposés.

L’existence d’une anémie chronique (baisse des globules rouges par un déficit en fer) correspond bien à une conséquence des règles abondantes.

De même, un retentissement sur la vie scolaire ou professionnelle et ce d’autant lorsqu’il existe des douleurs associées, doit aussi être pris en compte et justifier une attention particulière et une prise en charge.

D’autre part, faciliter le dépistage de ces ménorragies et proposer des traitements adaptés. Des recommandations des sociétés savantes médicales préconisent une prise en charge multidisciplinaire car les causes sont multiples et parfois intriquées. Il peut s’agit de causes gynécologiques bénignes telles que les fibromes, des polypes de l’utérus, ou encore de l’adénomyose correspondant schématiquement à de l’endométriose de l’utérus, mais aussi de pathologies liées à un déficit en facteur de la coagulation. Les femmes présentant un déficit héréditaire en facteur de coagulation sont plus exposées à ces complications hémorragiques et ainsi peuvent justifier de traitements spécifiques. Par exemple, les femmes porteuses d’une maladie de Willebrand (déficit le plus fréquent de ces maladies rares), ont un risque de règles abondantes dans 50 à 60 % des cas. Ou encore, les femmes mises sous traitement anticoagulant, ce traitement pouvant démasquer une maladie gynécologique et déclencher l’apparition de règles abondantes chez des femmes jusque-là indemnes. Chez ces femmes les traitements habituels ne seront alors pas forcément adaptés.

Pour toutes ces raisons, les règles abondantes sont un sujet de santé publique digne d’intérêt qui doit mobiliser en premier lieu le corps médical, mais aussi faire l’objet d’une information ou une éducation auprès de toutes les femmes pour que celles-ci puissent revendiquer cette prise en charge multidisciplinaire.

Pourtant malgré les recommandations, le parcours de soins de ces complications reste mal identifié, et nécessite une mobilisation de différents acteurs qui sont parfois difficilement accessibles.

C’est dans ce cadre qu’à Lyon nous avons imaginé une structure dédiée au diagnostic et au traitement des règles abondantes. Cette structure située dans le service de gynécologie de l’Hôpital de la Croix Rousse a comme objectif de simplifier et d’organiser une meilleure prise en charge médicale. Dans un lieu unique, en un temps déterminé, il est proposé un diagnostic grâce à la réalisation de consultations par un gynécologue, puis par un médecin spécialiste en coagulation, et par la réalisation d’une échographie pelvienne et d’un bilan sanguin. A la fin de ce parcours, il est proposé la mise en place d’une stratégie thérapeutique pouvant associer parfois d’emblée plusieurs traitements principalement médicamenteux, ces traitements qui devront s’adapter à chaque femme en fonction de son âge, de ses antécédents médicaux mais aussi de ses expériences des traitements déjà reçus. Dans tous les cas, une évaluation des traitements au bout de 6 mois sera proposée afin que cette prise en charge s’inscrive sur le long terme et améliore durablement la santé physique, sociale de ces femmes.

Cette nouvelle structure doit se développer dans un autre service de gynécologie de l’Hôpital Femme Mère Enfant aux Hospices Civils de Lyon à, et pourquoi pas dans d’autres villes, si d’autres structures hospitalières publiques ou privées ont envie de s’intéresser à cette problématique féminine dont les conséquences sur la santé publique doivent être reconnues.

Lucia Rugeri est docteure hématologue, spécialiste en troubles de la coagulation dans le service de gynécologie de l’Hôpital de la Croix Rousse à Lyon.

(Crédit photo : Eric Soudan)

Chaque mois, nous donnons carte blanche à une personnalité libre d’exprimer son “Coup de Sang” autour des règles, de la précarité, des tabous ou d’autres sujets d’indignation. Les propos exprimés sont ceux de leur auteur·rice.

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